«Nous chercherons à dévoiler la corruption où qu’elle se trouve, et à poursuivre et sanctionner tous ceux qui la commettent, la facilitent ou en sont complices», stipule la déclaration finale publiée à l’issue du sommet.

Parmi les signataires figurent les représentants d’une cinquantaine de pays, dont les présidents afghan Ashraf Ghani et nigérian Muhammadu Buhari, ou le secrétaire d’État américain John Kerry.

Les termes employés dans cette déclaration sont «étonnamment fermes» au regard du nombre de signataires, s’est réjouie Maggie Murphy, une responsable de l’organisation anti-corruption Transparency International, en s’interrogeant toutefois sur les mesures concrètes qui en découleront.

Car au-delà de cette déclaration d’intention, ce sont surtout les promesses faites par les pays à titre individuel qui ont été saluées par les ONG.

-Registres publics-

Régulièrement pointé du doigt pour sa complaisance envers ses propres paradis fiscaux, le Royaume-Uni a ainsi annoncé que «les entreprises étrangères qui possèdent ou veulent acheter un bien au Royaume-Uni devront désormais révéler le nom du véritable propriétaire».

Cette initiative a été suivie par cinq autres pays: la France, l’Afghanistan, le Kenya, le Nigeria et les Pays-Bas, tandis que six autres ont promis d’explorer cette possibilité.

La France s’est engagée à aller encore plus loin en mettant en place pour les trusts ces mêmes registres permettant d’identifier les bénéficiaires effectifs des sociétés offhore.

Le sommet, auquel ont participé le Fonds monétaire international (FMI) et la Banque mondiale, intervenait un peu plus d’un mois après les révélations des «Panama Papers», qui ont mis au jour l’utilisation à grande échelle de sociétés offshore permettant de placer des actifs dans des territoires opaques, et choqué l’opinion publique.

Le Royaume-Uni lui-même est critiqué pour le manque de transparence de ses territoires d’outre-mer: sur les 214.000 entreprises représentées par le cabinet panaméen Mossack Fonseca, au cœur du scandale des «Panama Papers», plus de la moitié sont domiciliées dans les îles Vierges britanniques.

Celles-ci n’étaient pas représentées à Londres, pas plus que le Panama.

La crédibilité de David Cameron en tant qu’hôte du sommet a également été mise a mal par le fait qu’il a été personnellement éclaboussé par les «Panama Papers» puisqu’il a dû admettre qu’il avait détenu des parts dans la société offshore de son père, décédé en 2010.

Très attendue, la mesure sur les registres publics annoncée par M. Cameron vise d’abord les quelque 100.000 logements en Angleterre et au Pays de Galles, dont 44.000 rien qu’à Londres selon les chiffres officiels, qui sont détenus actuellement par des sociétés offshore.

Outre l’immobilier, Londres a annoncé la mise en place d’un échange automatique d’informations sur les registres avec la plupart de ses territoires outre-mer et des dépendances de la Couronne. Ainsi que la création d’un centre international d’enquête anticorruption basé à Londres.

-Un «anti-douleur» au lieu d’une «opération»-

Par ailleurs, treize pays, dont l’Afghanistan, l’Italie, la France et les Etats-Unis, se sont engagés à mettre en place de nouveaux critères dans l’attribution des marchés publics.

L’Australie et le Nigeria figurent en outre dans un groupe de 19 pays ayant promis d’améliorer la transparence quant aux achats de pétrole, gaz et dans le secteur minier.

A l’issue du sommet, Robert Palmer, de l’ONG Global Witness, a applaudi «un pas en avant». «Mais la plus grande pièce du puzzle manque toujours: que les paradis fiscaux montrent patte blanche», a-t-il déclaré à l’AFP.

«Les fraudeurs pourront toujours dormir tranquilles ce soir», a également grincé Susana Ruiz, responsable des questions de fiscalité au sein de l’ONG Oxfam.

Les annonces de M. Cameron «risquent d’être éclipsées par le fait que le Premier ministre ait manqué à sa promesse de 2013 de lever le voile du secret sur les paradis fiscaux britanniques», a dit Mark Goldring, directeur général d’Oxfam pour le Royaume-Uni.

«Si la corruption est un cancer, alors ce sommet n’aura fait qu’apporter un anti-douleur, quand une opération chirurgicale lourde est nécessaire», a-t-il résumé.

Pour le ministre français des Finances Michel Sapin, «il y a parfois des sommets qui ne sont pas concrets dans leurs conclusions mais très efficaces pour faire en sorte que le mouvement soit accéléré».

AFP

Source : http://www.liberation.fr/planete/2016/05/12/sommet-anti-corruption-des-avancees-sur-la-transparence-moins-sur-les-paradis-fiscaux_1452200