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ALGERIE – FRANCE, les faux vrais raisons des conflits

En se concentrant uniquement sur le récent conflit entre la France et l’Algérie, supposé être à l’origine de la reconnaissance du Sahara occidental au Maroc, c’est presque faire abstraction des conflits tumultueux qui ont précédé la date du 30 juillet 2024, date de cette reconnaissance.

Alger a été surpris que la France ait soudainement reconnu l’appartenance du Sahara occidental au Maroc, alors qu’elle était auparavant en conformité avec les résolutions de l’ONU qui exigent un référendum pour l’autodétermination de l’ancienne colonie espagnole, ainsi qu’avec les décisions de la Cour européenne de justice enjoignant aux pays de l’UE de respecter les droits des ressources du peuple autochtone sahraoui de ce territoire dans leurs relations économiques avec le Maroc.

Pour l’anecdote, un célèbre journaliste algérien a écrit : « Si le président Emmanuel Macron, en agissant ainsi, croyait créer une rivalité entre ces deux irréductibles ennemis pour tirer profit économiquement ou géopolitiquement, il a fait une mauvaise pioche. Même si le Maroc a promis à la France de pouvoir investir l’équivalent de dix milliards d’euros sur son territoire, y compris dans le Sahara occidental, l’Algérie a réagi en imposant des restrictions d’achat de produits français et la vente de ses hydrocarbures à prix réduit, ce qui met en péril l’économie de nombreuses entreprises françaises, y compris celles implantées en Algérie. L’impact financier immédiat et à long terme se chiffrerait au double de la promesse marocaine ».

Les conflits, qui existaient depuis l’indépendance de l’Algérie, ont été exacerbés par la refonte d’une nouvelle Algérie, qui a été entamée après les grandes manifestations populaires de l’Hirak en 2019. Cela a été suivi par la démission de l’ancien président Bouteflika, qui avait entretenu pendant deux décennies des relations privilégiées avec la France entachées de corruption, et enfin l’élection du nouveau président algérien Abdelmajid TEBOUNE à la fin de cette même année.

Le président Emmanuel Macron, lors de sa dernière visite présidentielle en Algérie, avait tenté d’insuffler une nouvelle relation avec l’Algérie en reconnaissant, en partie, des crimes de guerre et l’assassinat de deux leaders pendant la guerre d’Algérie, jugé prometteur par Alger, néanmoins insuffisant.

Le président Abdelmajid TEBOUNE, quant à lui, a chaleureusement félicité son homologue pour cette démarche et lui a laissé entendre son désir de changer les paradigmes des anciens schémas pour rétablir une relation mutuellement bénéfique et sereine. Le président français a approuvé cette idée et a invité le président algérien à une visite officielle en France.

Mais, des évènements inattendus ont assombri ces perspectives. En effet à son retour en France, le président Emmanuel Macron a été confronté à des attaques frontales pour ses déclarations en Algérie, de la part de l’extrême droite, de la droite conservatrice, notamment des associations des rapatriés d’Algérie qui représentent un vivier électoral important en France.

C’est alors que, risquant de perdre la face, le président Macron abonda dans le sens de ses contestataires et, en voulant minimiser l’impact, ira jusqu’à reprendre les slogans fallacieux des Français d’Algérie style « Les bienfaits de la colonisation » et de « L’Algérie, une création française ». Cette inexcusable erreur politique que le président algérien TEBOUNE et son gouvernement ont considéré comme une atteinte à une ligne rouge infranchissable et ont décidé de restreindre leurs relations privilégiées avec la France.

Cependant, les déclarations d’un président de la République qui ne cherche qu’à contenter les contestataires et l’électorat des rapatriés d’Algérie et de leurs sympathisants ont été jugées comme une incohérence historique et politique par de nombreux historiens dénonçant ces thèses à propos de l’Algérie, y compris l’un des plus éminents d’entre eux, Benjamin STORA. À noter que cet historien d’origine pieds-noirs a lui-même coordonné la commission créée à l’initiative du président français pour éclaircir l’histoire mémorielle franco-algérienne et apaiser les passions autour de cette colonisation meurtrière.

Concernant l’invitation du président TEBOUNE pour une visite officielle en France, celle-ci a été reportée consécutivement à ces déclarations. Elle sera reportée à plusieurs reprises avant et après le 30 juillet 2024, date de la reconnaissance de la marocanité du Sahara occidental par le président Emmanuel MACRON et sa visite au Maroc.

Pourtant, dans ce laps de temps, le Président algérien, Abdelmajid TEBOUNE, s’est rendu en visite officielle ou ayant accueilli en Algérie pas moins d’une vingtaine de Présidents de république, Premiers ministres et ministres d’États, signe que son refus d’honorer l’invitation en France n’était pas un empêchement de calendrier comme on l’évoque diplomatiquement.

Pour revenir à la date du 30 juillet 2024, celle-ci a marqué le début des relations vacillantes. Des affrontements violents, manifestement planifiés en France, ont été observés, avec des ripostes d’intensité similaire de l’Algérie. On y note des manœuvres politiques et médiatiques de diverses obédiences cherchant à renforcer leur influence ou à assurer leur succès électoral lors des élections présidentielles de 2027. Plus récemment, une figure politique pour l’élection à la présidence de son parti.

Les relations entre l’Algérie et la France ont toujours été marquées par des conflits depuis l’indépendance, mais n’ont jamais atteint un tel degré de rupture. On ne sait pas non plus quelle issue cela aura dans le futur.

Quant aux observateurs économiques et géopoliticiens, ils considèrent que la France continue de voir cette Algérie sous le prisme d’une ancienne colonie avec un lien de subordination, alors que cette même Algérie a tracé un autre chemin, subrepticement, mais surement, vers d’autres horizons.

En effet, grâce à sa position géostratégique, à ses ressources en hydrocarbures et en minéraux, aux opportunités d’investissements, à son attrait pour une population de 47 millions de consommateurs et à de nouvelles lois favorisant les investissements étrangers, s’ajoute un rôle de plus en plus important dans la région du Maghreb et du Sahel en matière de sécurité. Son expertise dans la lutte contre le terrorisme et sa puissance militaire en constante évolution, qui la place au 25e rang des puissances militaires mondiales, attirent de plus en plus l’attention des puissances mondiales qui cherchent à concurrencer la France dans ses relations privilégiées avec son ancienne colonie.

Les relations traditionnelles avec la Russie et la Chine sont désormais accompagnées de celles avec d’autres pays importants, notamment les États-Unis, l’Inde, les BRICS, la Corée du Sud, la Turquie et des pays de l’Union européenne, qui ont pris le pas sur la France ( l’Italie, l’Espagne et l’Allemagne ).

Massine TACIR, Ecrivain Essayiste

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ALGÉRIE – FRANCE, le début 2025, n’atténue pas, mais aggrave les conflits

Une abondance de critiques de toutes les sphères politiques s’enchaîne à propos de l’Algérie. Si les politiques et médias savent ce qu’ils distillent dans leurs déclarations et les avantages politiques qu’ils escomptent en tirer de cette compagne inédite, cela aurait été de bon aloi en compagne électorale; or, ce n’est précisément pas le cas.

Nous savons qu’entre les deux pays, eu égard au passé colonial douloureux, des frictions de part et d’autre n’ont cessé de se produire, pour de multiples raisons, depuis l’indépendance de l’Algérie, et ce, bien plus qu’avec les autres pays décolonisés. D’ailleurs, on relève souvent deux griefs récurrents. D’une part, la France reproche à l’Algérie d’exploiter, pour des raisons de politique intérieure, l’histoire mémorielle de la colonisation. En outre, l’Algérie critique la France pour avoir instrumentalisé l’algérophobie à des fins de politique intérieure, en cherchant à minimiser la sympathie envers l’extrême droite, qui compte une importante communauté de Français d’Algérie, de harkis et leur descendance, ainsi que des familles touchées de près ou de loin pendant la guerre d’Algérie, telles les familles des 1,5 million de soldats qui ont participé à la guerre de l’Indépendance algérienne de 1954 à 1962.

Dans les sources de conflits principalement évoquées par la France contre l’Algérie, l’on trouve pêle-mêle l’histoire mémorielle de la colonisation, les accords d’Évian relatifs à la présence des Algériens sur le territoire Français, le problème des écrivains algériens et tout dernièrement le problématique cas des influenceurs algériens sur les réseaux sociaux.

À mon avis, de part et d’autre, cette « ratatouille » diplomatique cache des objectifs inavoués d’ordre économique, géostratégique et d’influence sur le Maghreb et le continent africain. La France, en perte de vitesse sur son empire colonial qu’elle perçoit toujours avec nostalgie, et une Algérie de plus en plus mature qui gagne subrepticement de l’influence dans nombre de pays qui était le précarré inviolable de la France.

Et le plus étrange, c’est que ce type de conflit, dans la majorité des cas, entre États, se règle discrètement par des ballets diplomatiques entre les belligérants.

Essayons de décortiquer les prétextes « parapluie » de la France, repris par l’ensemble des politiciens et médias, comme par consensus, contre l’Algérie et les répliques argumentaires de cette dernière :

  1. La reconnaissance de l’autonomie du Sahara occidental au Maroc :

Malgré les controverses qu’entretient le Maroc à l’égard de l’Algérie, la position de cette dernière sur le dossier du Sahara occidental n’est nullement équivoque, à savoir :

  • L’Algérie se réfère aux résolutions de l’ONU qui prévoient l’autodétermination du peuple sahraoui ; en l’espèce, un droit légitimement reconnu par l’instance internationale légalement compétente.
  • L’Algérie accueille sur son territoire les réfugiés sahraouis en vertu de la protection des populations en période de guerre, préconisée par l’ONU et le Comité international des réfugiés que doivent assurer les pays voisins des belligérants.
  • La prétention présumée de l’accès à l’atlantique de l’Algérie via un Sahara occidental indépendant est un argument faux dès lors que l’Algérie dispose déjà d’un accès sur l’atlantique, par le détroit de Gibraltar, quasiment équidistant.

L’Algérie a effectivement condamné la reconnaissance de la souveraineté du Maroc sur le Sahara espagnol par la France, d’autant qu’elle avait jusqu’ici une position conforme aux résolutions de l’ONU quant à la légitimité du droit du peuple sahraoui. Cette reconnaissance qui n’a probablement pas une implication de droit international, puisque seule l’assemblée des Nations Unies peut légiférer pour l’affiliation de ce territoire au Maroc.

Cette position française, bien que motivée davantage par des intérêts économiques, a été perçue par Alger comme une offense aux droits légitimes des Sahraouis, même si les rivalités entre les États algérien et marocain, dont la France n’arrive pas à trouver un juste équilibre, n’ont pas été écartées.

  • – La liberté d’expression et l’arrestation de l’écrivain franco-algérien BOUALEM SANSAL

Côté français, on évoque une atteinte à la liberté d’expression de l’auteur, un virulent opposant au pouvoir algérien, qui a été arrêté parce qu’il critiquait le régime depuis la France, où il venait tout juste d’obtenir la citoyenneté.

Côté algérien, cela ressemble à une vraie compagne de désinformation et de dénigrement de l’Algérie et son gouvernement. C’est surtout la mobilisation politico-médiatique en faveur de l’écrivain Boualem Sansal, dont la renommée littéraire est relative, qui interpelle les Algériens. On peut la comparer à la mobilisation mondiale en faveur de l’écrivain russe Alexandre Soljenitsyne dans les années soixante-dix.

Cette approche conforte d’autant plus les Algériens lorsqu’ils s’aperçoivent que Boualem Sansal entretenait des relations amicales avec les membres et alliés de l’extrême droite française, notamment des instances juives et qu’il était en contact constant avec Monsieur Xavier Driancourt, ex-ambassadeur de France, non seulement en France, mais déjà du temps où il exerçait sa fonction à Alger.

Compte tenu du fait que la plupart des ambassadeurs de France à Alger ( Mss. BAJOLET, EMIE) ainsi que monsieur Xavier Driancourt étaient d’anciens chefs de la DGSE, le service de renseignement, et qu’ils entretenaient des liens avérés avec les opposants algériens, cela n’a fait qu’accroître la méfiance des Algériens.

Les critiques françaises se focalisent sciemment sur une arrestation au motif de ses écrits, à son retour en Algérie ; or, Boualem Sansal habite en permanence dans la périphérie d’Alger, il a toujours critiqué verbalement et par écrit le pouvoir à l’intérieur même du pays sans être inquiété pour autant.

Les raisons véritables que les Français occultent, bien qu’ils les connaissent, sont que Boualem Sansal a été arrêté pour des délits punissables par les lois algériennes, notamment l’atteinte à la souveraineté territoriale, en raison de ses déclarations dans une chaîne de l’extrême droite française. Ces lois sont, en quelque sorte, des lignes rouges à ne pas dépasser, semblables aux lois françaises relatives à la Shoah ou l’apologie du terrorisme.

c)- Les influenceurs algériens et le cas de l’un d’eux Doualemn

Le cas des influenceurs sur les réseaux sociaux, qui jouissent du droit à la liberté d’expression, même s’ils outrepassent parfois ce droit, est souvent utilisé pour servir des intérêts politiques et/ou sociaux. Toute obédience politique confondue a judicieusement profité, dans le passé comme au présent, pour contourner une loi ou en instaurer une autre, propager une opinion ou contrer une autre.

L’influenceur algérien, Doualemn, a été expulsé de France vers l’Algérie sans que la justice française ait statué sur son cas. Les autorités algériennes considèrent cela comme une violation des procédures et exigent qu’il soit renvoyé en France pour y être jugé pour des actes proportionnels à son délit. Corollairement, l’intéressé est interdit de séjour en Algérie au titre d’une précédente condamnation par la justice algérienne.

Certes, le ministre de l’Intérieur ou le préfet disposent de cette prérogative, mais dans des cas strictement encadrés par la loi.

Médias et politiciens, hormis quelques juristes, ont crié au scandale du fait que l’influenceur algérien disposait d’un passeport biométrique valable et qu’il n’était pas nécessaire d’obtenir une autorisation de l’ambassade d’Algérie pour son expulsion. Ils ont associé son cas, par ignorance ou intentionnellement, à celui d’un délinquant sous OQTF.

Ensuite, l’expulsion de cet influenceur algérien a été exercée au titre d’un texte de la nouvelle loi n° 2024-42 du 26 janvier 2024 qui ne correspond pas à la réalité des faits et qui stipule :

La mesure d’expulsion peut être prise lorsque la présence d’un étranger constitue une menace grave ou très grave pour l’ordre public, la sécurité publique, ou la sûreté de l’État, la décision est prise par le préfet ou, dans certains cas, par le ministre de l’Intérieur. L’expulsion est possible sans délai si l’urgence absolue est invoquée.

Or, considérer son délit de « menace grave ou très grave pour l’ordre public », au sens de cette loi, pour une habituelle menace verbale ne constitue pas une véridicité dès lors que ce type de menaces sont fréquemment proférées par les utilisateurs des réseaux sociaux sans encourir des sanctions d’une telle ampleur.

À l’inverse, caractériser faussement son délit prive l’intéressé de ses droits au titre de la même loi qui rend inexpulsable les étrangers dans son cas, à savoir :

  • Résident en situation régulière en France depuis plus de 15 ans
  • Marié à une Française et père de deux enfants également de nationalité française

Edito: Massine TACIR, Ecrivain, Essayiste

Consulter les ouvrages de l’auteur : https://www.dzbiblio.com