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Boualem Sansal, pour un délit égal en France, le verdict aurait été plus sévère qu’en Algérie

Boualem Sansal, pour un délit égal en France, le verdict aurait été plus sévère qu’en Algérie.

Relatons, en préambule, l’aspect pénal du cas Boualem Sansal et tentons de faire un parallèle de son cas par rapport aux démocraties occidentales et particulièrement la France en notant que, malgré ces équivalences, le contexte légal, social et politique en France diffère de celui de l’Algérie.

Selon l’Algérie, dont il est citoyen, Boualem Sansal a été condamné pour des délits punissables par la législation algérienne. Bien qu’il a depuis plusieurs années, dépassé le rubicon, il devait, par conséquent, en assumer les conséquences. Le fait d’avoir bénéficié du statut de Franco-Algérien (à peine 3 mois avant son arrestation), ne le dispense pas d’être jugé par les instances judiciaires algériennes en tant qu’algérien d’origine.

On est loin de la vision qui consiste à faire croire que ses problèmes résultent de ses positions critiques à l’égard du gouvernement algérien et de la société algérienne et pour cause, Boualem Sansal, tout en résidant en Algérie jusqu’au jour de son arrestation en novembre 2024, proférait des critiques virulentes à l’égard de l’état et la société algérienne sans être inquiété pour autant.

L’Algérie est une démocratie modérée qui tient énormément compte des us et coutumes de ses citoyens qui peuvent paraître contradictoires à l’exercice d’une démocratie à l’Occidental. De même que, du point de vue du législateur algérien, certaines lois françaises peuvent paraître des entraves déguisées à la liberté d’expression, comme l’apologie du terrorisme, la critique de la shoah ou l’antisémitisme qui ne sont pas toujours appliquées à bon escient. La meilleure et dernière illustration connue est celle de certaines rédactions qui ont été accusées de censurer ou d’écarter des collaborateurs pour des désaccords éditoriaux liés à la couverture du conflit à Gaza, révélée par Le Syndicat national des journalistes (SNJ) et d’autres organisations pour dénoncer les atteintes à la liberté de la presse, les licenciements abusifs, et les pressions économiques ou politiques sur les rédactions.

Les propos excessifs de Boualem Sansal, tenus lors de l’interview accordée au média français d’extrême droite « Frontières » en octobre 2024, ont hissé à un plus haut degré les controverses. En effet, il a remis en cause l’intégrité territoriale de l’Algérie, ce qui est considéré comme un délit en droit algérien, notamment en vertu de l’article 87 bis, qui punit les actes terroristes et subversifs menaçant la sécurité de l’État, l’intégrité du territoire et les institutions gouvernementales.

Le service secret algérien avait un soupçon, mais pas une certitude que cette entrevue était orchestrée par l’ancien ambassadeur de France, Xavier Driancourt, également membre de l’équipe éditoriale du média d’extrême droite « Frontières », en tant que prélude à une campagne de dénigrement de l’Algérie, dans un but purement politique.

Après son arrestation, d’autres présomptions à son encontre se sont accumulées. On peut citer le dîner de Boualem Sansal avec Xavier Driancourt (1) la veille de son départ en Algérie. On peut également mentionner la campagne de dénigrement contre l’Algérie au prétexte de « la liberté d’expression », entamée par l’extrême droite, la droite conservatrice et les lobbies israéliens (2), qui démontre sans équivoque aux yeux de l’Algérie ses accointances avec les sphères politiques et médiatiques. En effet, la majorité des personnalités de cette sphère affirment avoir rencontré ou connaitre l’écrivain. Cette relation inhabituelle d’une telle importance entre un simple écrivain et tant de responsables, caractérisait un autre délit pénal, l’équivalent d’un délit en France, l’article 411-5, qui stipule : « Le fait d’entretenir des intelligences avec une puissance étrangère, avec une entreprise ou organisation étrangère ou sous contrôle étranger ou avec leurs agents, lorsqu’il est de nature à porter atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation, est puni de dix ans d’emprisonnement et de 150 000 euros d’amende. » L’article 411-4, plus sévère, porte quant à lui la condamnation à trente ans de détention criminelle et 450.000 € d’amende.

  • Monsieur Xavier Driancourt connaissait et était déjà en relation avec Boualem Sansal du temps où il était ambassadeur de France à deux reprises en Algérie pendant des années. Xavier Driencourt a raconté, dans une entrevue, qu’il avait invité Boualem Sansal et Kamel Daoud au repas de réception du président Macron lors de sa visite officielle en Algérie en 2017. À cette occasion, ces deux écrivains lui auraient confié, je le cite : « Aidez-nous, nous sommes les gardiens de la langue française en Algérie. » À noter qu’en tant qu’ambassadeur en Algérie, Xavier Driancourt représentait l’État français de manière officielle, était normalement sans affiliation partisane directe. Ce n’est qu’après sa retraite qu’il a adopté des positions plus tranchées, qui ont séduit certaines franges de la droite et de l’extrême droite françaises. Est-ce cette raison qui explique que les marionnettistes du cas de Boualem Sansal proviennent principalement de ces familles politiques ?
  • Deux faits avérés qui confortent les Algériens dans son rapport avec les Israéliens, malgré l’absence de relations diplomatiques de l’Algérie avec Israël :
  • Lors du G7 en 1997 en Suisse, Boualem Sansal, alors fonctionnaire du ministère de l’Industrie en Algérie, avait rencontré, à l’insu de sa hiérarchie et discrètement, Benjamin NETANYAHOU lors de ce forum, ce qui lui a valu d’être licencié du ministère de l’Industrie d’Algérie en 1999.
  • Le voyage de Boualem Sansal à Tel-Aviv en 2013 et son interview dans un média israélien où il révélait des informations sensibles de son pays à un état étranger.

Enfin, un dernier élément qui plaide en défaveur de l’écrivain Boualem Sansal, c’est précisément son statut d’écrivain. Les Algériens subodorent qu’il n’est qu’un simple prête-nom pour les œuvres qui portent son nom d’auteur. Dans l’entourage professionnel du temps où il était fonctionnaire de l’état au ministère de l’Industrie en Algérie, ses collègues affirmaient qu’il n’avait pas les qualités rédactionnelle, orthographique et grammaticale d’un écrivain.

Boualem Sansal a écopé en première instance une condamnation à 5 ans de prison, portée à 10 ans au second jugement, à l’heure de la rédaction de ce billet, on ne connaît pas les résultats de son appel. La désignation des avocats pour sa défense devant le tribunal algérien a suscité autant de controverses politiques plutôt que juridiques. En premier lieu, l’avocat François Zimeray, de l’écrivain en Algérie, son visa a été refusé prétendument sous prétexte qu’il était juif, or le nombre important de politiciens et célébrités d’origine juive qui ont obtenu leur visa pour l’Algérie, infirme cette hypothèse. Le problème est lié aux conditions requises en vertu des accords juridiques entre l’Algérie et la France de 1962, qui stipulent qu’un avocat français ne peut plaider en Algérie qu’avec l’assistance et le soutien d’un ou plusieurs avocats algériens, plus apte aux rouages des lois algériennes et ce, pour la sauvegarde des droits de l’inculpé. Au titre de ces mêmes accords, un avocat algérien ne peut agir qu’en tant que conseiller juridique en France. Il doit passer au préalable une certification pour pouvoir plaider en tant qu’avocat devant les tribunaux français.

Hormis ces conditions contractuelles, rien n’interdit à l’une ou l’autre partie de refuser la plaidoirie d’un avocat sur son territoire pour des accointances politiques ou morales. Le refus de visa de l’avocat François Zimeray n’a pas été causé parce qu’il était juif, comme le prétend la campagne médiatique, mais probablement par son engagement pro-israélien et les accointances de son client avec Israël. En effet, cet avocat, ancien membre du Parti Socialiste, son investiture au nom de ce parti n’a pas été renouvelée en 2004 à cause de son militantisme jugé trop pro-israélien.

Pour assurer la pérennité du jugement, le tribunal algérien a désigné d’office deux avocats algériens pour la défense de Boualem Sansal. Ce dernier les a récusés et a choisi de se défendre lui-même. Néanmoins, un avocat français, Maitre Pierre Cornut-Gentille qui remplit les conditions d’usage, l’assistera dans son procès en appel prévu le 1er juillet 2025.

Nous sommes tous incontestablement d’accord pour déclarer qu’en termes de liberté d’expression, l’éviction des journalistes ou des écrivains, leur poursuite judiciaire et encore moins leur emprisonnement sont inconcevables pour l’exercice de leur fonction, cependant, le statut de journaliste ou d’écrivain ne les dispense pas d’encourir des sanctions pour d’autres entraves au droit.

Med Kamel YAHIAOUI, Ecrivain Essayiste

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Quand la première alerte mondiale de l’islamisme et du terrorisme avait commencé en Algérie.

Messieurs Kamel DAOUD et Boualem SANSAL, pour ne citer que ces écrivains algériens qui font l’actualité ces derniers temps, les deux ont connu et vécu la triste guerre civile de l’Algérie des années 90, qu’ils relatent, à leur manière, dans un grand nombre de leurs ouvrages, sur les plateaux de télévision, dans des journaux ou sur les réseaux sociaux.

Il est clair qu’ils contribuent tous deux, comme bien d’autres originaires de leur propre pays, motivés par diverses raisons, tel l’intérêt personnel, un confort matériel offert par la France, notamment l’acquisition d’une nationalité, un lieu de résidence et des finances souvent proportionnelles à leurs déclarations et écrits visant à stigmatiser l’islam, le terrorisme et leur propre nation d’origine.

Voici l’un des aspects clés que leurs partisans ont soigneusement dissimulés : ces deux auteurs ont toujours critiqué le pouvoir algérien, parfois de manière diffamatoire, tout en résidant en Algérie sans être inquiétés par les autorités jusqu’en 2016 pour Kamel DAOUD et jusqu’à la fin de l’année 2024 pour son collègue Boualem SANSAL.

Cette hostilité entretenue contre l’Algérie depuis la France, alimentée par l’extrême droite ou la droite traditionnelle, sert leurs intérêts en attisant les tensions dans les communautés qui cherchent de plus en plus à se distancer d’un passé révolu d’une Algérie française.

Le problème, particulièrement pour ces deux écrivains, dont j’approuve la qualité littéraire, c’est qu’ils ont sciemment occulté les vraies raisons de la naissance de l’islamisme et du terrorisme en Algérie pour adopter le narratif occidental alors qu’ils étaient justement les meilleurs témoins de cette tragique décennie.

Les harkis algériens de la plume, les récits qu’ils auraient dû écrire :

L’Algérie, après un peu plus de deux décennies, était sous le régime du parti unique. En février 1989, une nouvelle constitution a été adoptée. Elle instaurait un régime démocratique, autorisant un multipartisme à condition que les partis politiques ne soient pas fondés sur des critères tels que la religion, la langue, la race, le sexe, le corporatisme ou la région. Cette période a été marquée par l’émergence de nombreux partis politiques et de journaux indépendants (plus de quarante partis politiques de diverses obédiences et autant de journaux indépendants).

Parmi l’émergence de partis politiques en Algérie en 1989, l’un d’entre eux était le front islamique du salut (FIS), un parti islamiste radical financé par l’Arabie saoudite et d’autres pays arabes qui craignaient que l’instauration d’une démocratie en Algérie ne se propage dans leur propre pays.

Même si le soutien des pays arabo-musulmans aux islamistes algériens était compréhensible, étant donné leur inquiétude face à l’émergence de la démocratie en Algérie, il est regrettable que des pays occidentaux, en particulier la France, aient plutôt découragé le régime algérien à poursuivre sa démarche pour abolir cet islamisme radical naissant. Cela allait à l’encontre de leur prétention à promouvoir la démocratie dans le monde, disaient-ils.

Au cours des années 1980, l’Algérie, comme d’autres nations en développement, a connu une crise économique due à la chute des prix du pétrole et à la pression du Fonds monétaire international (FMI) pour obtenir un prêt, l’obligeant à adopter des restructurations sociales et économiques drastiques.

Cela a engendré des licenciements massifs et une augmentation du chômage, en particulier chez les jeunes, ce qui a favorisé l’émergence des islamistes dès le départ.

Grâce à des manœuvres politiques et à un financement généreux fourni par l’Arabie saoudite et d’autres adeptes du salafisme djihadiste, les islamistes ont réussi à séduire les Algériens, épuisés par la crise économique, en distribuant des colis alimentaires, des soins médicaux, et même de l’argent. Ils ont mis en évidence les avantages d’un État islamique par opposition à un État républicain défaillant.

Grâce à ces actions sociales et des meetings politiques et théologiques bien orchestrés, ils finirent par obtenir une écrasante majorité électorale dans pratiquement toutes les communes algériennes lors des élections communales de 1992.

Le gouvernement algérien, conscient de l’ampleur de la vague électorale en faveur des islamistes du FIS et de ses conséquences potentielles sur sa propre survie, surtout si un changement de cap vers un État islamique était envisagé, a décidé d’annuler le deuxième tour des élections. Cette décision a déclenché une réaction virulente des islamistes, qui ont organisé des manifestations, principalement à Alger, suivi d’une persécution violente des autorités comptant de nombreux morts parmi les manifestants.

Puis, peu de temps après, les islamistes ont activé leur branche armée dormante, l’armée islamique du salut (AIS), qui sera ensuite rejointe par une autre branche plus radicale, le GIA (Groupe Islamique Armé), groupe d’obédience El Qaida du chef Ben Laden. Il est composé de 27 000 à 40 000 combattants entraînés en Afghanistan, puis infiltrés, armés et financés par l’intermédiaire de deux pays voisins de l’Algérie. Le premier craint que sa monarchie ne devienne une république, tandis que le deuxième veut étendre son leadership africain au détriment de l’Algérie.

Commence alors une guerre opposant les deux branches armées des radicaux islamistes contre l’armée nationale qui se solda par au moins 200000 tués, principalement des civils.

Trois lacunes principales des Occidentaux, et particulièrement la France, ont favorisé la naissance de cet islamisme radical se transformant en un terrorisme armé qui prendra une ampleur internationale.

La première lacune, au nom de la démocratie éternelle, la France, sous la présidence de François Mitterrand, ainsi que certains autres pays européens, ont refusé l’annulation des résultats des élections en faveur des islamistes, alors que le pouvoir algérien affirmait que ce n’était pas une violation de la démocratie, mais plutôt un mouvement d’islamistes radicaux cherchant à établir un État islamique en lieu et place des républiques non seulement en Algérie, mais par extension aux autres pays musulmans.

Le gouvernement algérien a essayé d’attirer l’attention de la France et d’autres pays occidentaux sur le danger imminent qui se profilait déjà sous le commandement du leader saoudien Ben Laden, fondateur d’El Qaida en Afghanistan, et de son prédicateur égyptien.

 D’autant plus qu’à l’époque, le Groupe islamiste armé (GIA), affilié à Al-Qaida, en opérant en Algérie, débuta la révolution islamique mondiale, pivot de cette obédience. Il avait également commencé à établir des réseaux de soutien partout dans le monde, incluant les États-Unis, la France, la Belgique, le Royaume-Uni, l’Allemagne, la Suisse et des pays arabes, comme l’Arabie saoudite ou le Yémen.

Médiatiquement, le GIA édita une publication en Angleterre nommée Al-Ansar qui revendiquait ses actions violentes commises partout en Algérie. Ces mêmes communiqués sont adressés également par fax ou par appel téléphonique à la radio marocaine arabophone Medi 1 par un homme se présentant comme le chargé des « relations extérieures » du groupe.

 Selon le gouvernement algérien en place, les événements en Algérie ont fait de ce pays un premier terrain d’expérimentation pour cet islam radical djihadiste qui finira par se propager à d’autres nations, ce qui fut le cas par la suite.

La deuxième lacune, la France et les pays occidentaux ont décrété un embargo sur les armes à destination de l’Algérie au lieu de l’aider à faire face militairement à ce danger. L’Algérie s’est mise, vaille que vaille, à fabriquer ses propres armes nécessaires à sa défense pour éradiquer ce fléau sur son territoire.

La troisième lacune, pour cette mouvance islamique naissante, les Occidentaux voyaient en elle un moyen favorable de destituer les dirigeants des pays qui leur étaient hostiles, dont ils tentaient de les faire tomber sous de multiples prétextes, notamment économiques et/ou géostratégiques. Ce n’est qu’après les attentats du parking du World Trade Center en 1993, les attaques dévastatrices des tours jumelles en 2001, celles de la rue de Rennes et de Saint-Michel en France en 1995, ainsi que les attentats à la bombe de Madrid en 2004, et d’autres attaques terroristes à travers le monde, que les pays occidentaux ont réellement mesuré l’ampleur et les cibles de ce mouvement.

Finalement, l’Algérie a réussi à éradiquer le terrorisme sur son sol. Après cette décennie douloueuse, le peuple algérien a retrouvé la pratique d’un islam apaisant et paisible. Grâce à cette douloureuse expérience, il a appris à se méfier de toute tentative de déstabilisation du pays, même de la part de ses propres citoyens, manipulés par une démocratie trompeuse.

Quant au pouvoir algérien, quel que soit son dirigeant depuis, il a constitué ses propres réserves financières en prélevant systématiquement une partie de ses recettes pétrolières, pour ne plus dépendre des emprunts conditionnels du Fonds monétaire international ni de la Banque mondiale.

De plus, l’embargo sur les armes imposé par l’Occident alors que l’Algérie en avait vraiment besoin pour combattre le terrorisme a été un déclic fondamental. Cela a incité l’Algérie à se doter de véritables usines de fabrication d’armes, des plus simples, comme les fusils, les canons, les roquettes, les blindés et leurs respectives munitions, les bateaux de guerre, tels les corvettes Djebel Chenoua, les vedettes, les patrouilleurs et remorqueurs, les satellites d’observation, de la série Alsat, le satellite de communication Alcomsat-1, jusqu’aux plus sophistiqués, comme les drones militaires, dont le fameux drone Al DJAZAIR, reconnu comme l’un des dix drones militaires les plus performants au monde par le prestigieux site américain Army Technology.

Extraits du livre de l’auteur Med Kamel Yahiaoui, à paraitre au mois de février 2025.